• Vieille amitié

    Je me regarde, telle que je me vois
    avec cette espèce de manie
    de me sentir responsable
    simplement à cause d’une amitié
    qui a franchi l’obstacle du temps.

    C’est elle qui a remplacé
    dans mon miroir les reflets crus
    venus de mon enfance.
    Et c’est elle que je dois déchirer
    pour me sentir enfin exister.

    Ce genre de choses inimaginables,
    c’est ce que je me tue à faire
    pour ma survie, alors que d’habitude
    on chérit les amitiés de toute une vie
    quand on arrive à la cinquantaine.

    Il faut croire que la musique de fond
    n’était pas vraiment très belle
    et que trop de conciliabules
    et de commérages parlaient déjà
    de cette complicité à l’imparfait.

    Il faut croire que le temps,
    généreux quand il donne,
    est capable aussi de reprendre,
    avec ses griffes acérées
    les souvenirs d’une époque héroïque.

    Puisqu’il n’y a pas de héros
    qui ne soit en même temps
    objet de calomnies,
    il n’y a de paix dans les chaumières
    que lorsque les histoires finissent.


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  • Comme si on avait

    J’ai fait comme si on l’avait décidé,
    d’agir vraiment en toute liberté,
    comme s’il était possible de vivre
    autrement que dans la panique.
     
    Mais quand j’y pense maintenant
    quand je pense à l’immense océan
    et que je me vois ici accroupie
    je comprends que je ne ferai corps
    avec la densité qui me peuple
    qu’en restant hors de l’eau.

    J’avais imaginé d’autres limites,
    non pas pour moi celles des autres,
    puisque je n’avais pas pris de risques
    puisque j’avais tout fait pour l’éviter,
    de m’endormir sur l’illusion,
    d’une infinie féminine vocation.

    Il y avait tant d’autres catégories,
    tant d’explications légitimes,
    tant de couleurs aussi, mais aussi
    tant d’intrus à déplacer et de masques.

    Je finirai alors par sous-estimer encore
    la force enchanteresse d’un regard liquide.
    baigné d’un espoir épatant
    qui me ferait hurler en pénétrant
    par une fente de mon âme jusqu’au coeur.


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  • Au visiteur

    Je  voudrais que tu saches
    les raisons de mon retrait
    qui sont parmi celles que je pense
    les choses les plus difficiles à expliquer.

    Les raisons de ce retrait
    emmurées dans l’histoire
    qu’après la rupture
    aucun instant d’intimité jamais
    ne nous a permis de nous dire
    les yeux dans les yeux
    ce que nous pensions.

    Alors c’est une masse dans mon corps
    qui a bouché les  voies originales
    et qui a fait se recroqueviller les parties
    de mon âme désormais désertées.


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  • L'imperceptible chaos

    Avec ton regard lumineux,
    tes intentions simples et souvent hardies,
    je t'avais imaginée puissante.
    Si ce n'est que ton côté épanoui,
    ta beauté charnelle, ta force même,
    ne te faisaient entendre distinctement
    que les sons dont est faite l’harmonie.

    D’autres sons, d’autres formes,
    plus laids, tu ne les percevais pas.
    Ils te passaient à côté
    sans te distraire, ni te faire trébucher.

    Chère amie, j’aurais pourtant bien aimé
    que tu te penches un instant
    sur ce néant qui ne t’atteint pas
    alors qu’il crée le désordre dans ma vie.
    J'aurais tant voulu que tu m'aides
    à ne pas rester prisonnière
    d'un destin qui m'est étranger.

    Je croyais que tu m’aurais comprise
    cette fois encore, comme l’autre fois.
    Mais ces sons plus forts, plus laids,
    rien à faire, tu ne les perçois pas.

    Tu ne t’émeus pas de la dérive
    d’un corps dont l’âme a lâché prise.
    Toi qui sais plutôt comment pousser
    les choses vers leur accomplissement,
    tu n’as pas les outils pour refaire
    le chemin à l’envers et restaurer
    le charme originel d’une vie empêchée.

     


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  • Temps reconfiguré

    Cette année encore
    j’aimerais cueillir des fruits
    dont la saveur parfumée
    de miettes d’espoir
    se répand précisément
    là où on les trouve.

    Ou alors faut-il peut-être
    y voir la main divine
    ayant dispensé dans cet acte
    l’antidote à trop d'austérité.

    Sinon quelle force extraire
    d'un silence profond et convenu?
    Quelle réaction entamer
    si on ne commence pas par jouer?

    Ce temps rompu
    qu'on passe à se protéger
    ne laisse aucun souvenir
    et n'embrasse aucun projet.

    Il serait temps de s'exercer
    si on trouve un faisceau de lumière.
    Il serait temps de s'approprier
    ces élans qui jouent
    et se perdent sans s'attacher,
    qui n'existent qu'un instant.


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