• Jamais aucune étude

    Sans investir la moindre énergie dans l'étude,
    elle s'était contentée de passer
    le long de l'autoroute du savoir,
    sûre de tout penser juste.

    Ayant compris que la liberté c'est bien,
    le crime c'est mal,
    elle avait meublé de procédures concrètes
    son temps aussi bien que sa pensée.

    Elle ne connaissait pas l’effroi du doute,
    ni l’horreur de la superposition des enjeux,
    des méthodes et des frontières.
    Son monde était plat.

    Elle ne concevait l’apport de l’esprit
    que dans une dynamique expansionniste,
    par l’effet intimement excitant
    de toute créativité débridée.

    Pourtant quant elle vint ici,
    dans cet accoutrement figé de paresseuse de l'esprit,
    tous ont salué,
    supposant qu'elle devait avoir raison.

    La société globale ayant élucidé tous les mystères,
    il ne reste que les fleurs du mensonge
    pour faire encore s'amuser
    les masses populaires.

    C'était donc moi qui incarnais
    la forme dénigrée du système de valeurs.
    C'était moi qui contredisais
    leurs idéaux de simplicité illimitée.



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  • Au bord du précipice

    Se libérer du fardeau de l'incertitude
    grâce à un seul mot,
    tombé un peu par hasard,
    mais aussi parce que j'ai couru
    très loin le chercher.

    Le désert était dépeuplé,
    mais des sons parvenaient
    à mes oreilles,
    mirages difficiles à comprendre,
    vertiges d'expériences oubliées.

    Une seconde voix se superposait,
    assez fort même,
    mais d'une force passive et ravagée,
    au point d'en accepter
    l'inéluctable tromperie.

    Et les distorsions du langage,
    de plus en plus pathogènes,
    s'imbriquaient maintenant
    dans une réalité gluante,
    de plus en plus trouble.

    Mots glissants, pour me faire croire
    que j'avais besoin d'un appui,
    d'un forfait, d'un méfait,
    bref de quoi me laisser
    pieds et poings liés.

    Puis vint la libération,
    quand les oiseaux dormeurs
    me délivrèrent en s'envolant,
    en s'éveillant,
    laissant imaginer une autre vie possible.


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  • Appauvrissement

    Si les choses qui trottent dans la tête
    sont toutes déshabillées,
    le signal est alarmant,
    on devrait se demander
    si c'est un état de guerre.

    J'en connais pour qui
    l'aventure humaine se résume
    à dénuder un coeur, dévêtir un corps,
    parce que leur objectif
    est la simplification.

    Au bout d'une semaine
    ils ne savent même plus dire bonjour.
    Ils ne cherchent qu'à consolider
    la routine du mépris d'autrui,
    déjà installée.

    Au bout d'un mois
    ils sont déjà pratiquement
    des pervers narcissiques,
    révoltés par cette rivière,
    dont le flux alourdit leur soif d'absolu.

    Et s'ils tombent maintenant
    ce sera en s'appuyant tranquillement
    sur les corps soumis
    de ceux qu'ils parasitent
    pour s'assurer de la joie.

    En un tour de main
    l'esprit de finesse est actionné à l'envers.
    Du coeur alors n'émanent
    que de navrantes platitudes,
    des désirs fondus.


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  • Fin des automatismes

    Pourras-tu m'ausculter,
    dans la fraîcheur du matin
    quand les sons de ma vie seront déréglés?
    Pourras-tu m'écouter
    quand je franchirai les étapes,
    sans avoir aucune vision?
    Pourras-tu me regarder
    quand je ressemblerai à une brebis galeuse
    à la recherche d'un abri élémentaire?
    Pourras-tu m'enseigner
    à vivre une vie exceptionnelle
    quand j'aurai besoin d'un professeur?

    Ce seront des secondes d'hésitation
    dominées par l'inimaginable,
    qui vont suivre ces demandes d'attention
    d'un être qui se livre éperdument
    alors qu'autour de lui
    ont cessé de se manifester les limites
    de l'espace et du temps,
    l’ordre ayant cédé la place à l'infini béant.
    Même les poids et mesures,
    en devenant spectaculaires,
    seront métamorphosés subitement
    en ineffables pièces à conviction.

    J’ai honte de moi, de ne plus savoir
    si je dois rester ou partir.
    J’ai honte de me pencher librement
    vers un univers peuplé d’histoire
    où il n’est plus possible de reconnaître
    les personnages qui ont agi
    pour une noble cause.
    L’oubli ravageur a tant perturbé
    jour après jour les esprits,
    qu’on ne voit plus les traces des pneus
    quand les véhicules ont passé,
    laissant ça et là des passagers frileux.


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  • Pour être cordial

    C'est comme si le jus qui se fabrique,
    dans la tiédeur d'une conscience active,
    possédait des vertus printanières
    pour vieillards sclérosés.

    Mais il m'en coûte de livrer
    des quantités toujours insuffisantes
    de ce nectar de jouvence,
    pour me faire ensuite accuser d'incompétence.

    On devrait se faire entendre
    quand on explique que le monde
    ne fonctionne pas selon les règles de la pitié,
    mais plutôt sur la concurrence.

    On devrait entendre plus fort
    le battement du coeur à mesure
    qu'on s’approche du but et saisir
    le sens des mots alors, même dans le chahut.

    Mais le coeur s'use,
    même s'il s'économise et s'ennuie.
    Il se tord parfois dans son mouvement
    alors qu'il devrait juste se gonfler d'ardeur.



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